jeudi 23 mai 2013

Procès Meilhon. À 33 ans, l’accusé a passé 13 ans de sa vie en prison

Impulsif, violent, colérique, capable de s’emporter au quart de tour… C’est ce qui ressort de la personnalité de Tony Meilhon, après son interrogatoire de la matinée, ce jeudi, à la cour d’assises de Nantes.
Après avoir raconté, la veille, sa vie avant ses 15 ans, l’accusé a déroulé la suite de son CV, ses premières incarcérations.
« Ma première peine a nourri la haine en moi »
« Il a passé 13 années en détention, les trois quarts de sa vie après ses 15 ans », résume son avocat Fathi Benbrahim, croisé à la sortie de la salle d’audience, lors d’une courte suspension à 11 h. « Oui, on peut dire que c’est un peu le produit de la prison. »
Après deux placements en foyer, Tony Meilhon est mis en examen pour vols de Ford Fiesta, de cyclomoteurs, et violences commises avec arme sur un voisin, en août 1995. Le juge décide de le placer sous contrôle judiciaire et dans un foyer d’action éducative le 11 avril 1996.
Le 19 avril, il est incarcéré pour la première fois durant trois mois, à la suite de commission de nouveaux délits.
« Au départ, c’est difficile… Une certaine peur », déclare-t-il.
« Puis j’ai rencontré des gens comme moi dans la difficulté, la délinquance, que j’avais déjà croisés au foyer. Je me suis inscrit à l’école, j’ai pratiqué du sport. J’étais encore dans la démarche anti-psy, anti-adulte. Ma première peine a nourri la haine en moi. Je me disais, quand je vais sortir, je vais prendre ma revanche. »
Ressentiment envers sa mère et son beau-père
Comme l’indique le président, Tony Meilhon est toujours « dans le ressentiment par rapport à sa mère et son beau-père ». À la barre, il répond : « Pour moi, la cause de mes ennuis, de mes premiers actes de violence, de délinquance, résulte de son arrivée. »
À sa sortie de prison, il vole une Renault 25. Suit une série de casses-béliers.
« C’est à cette époque que vous séquestrez votre mère avec un pistolet sur la tempe ? », lui demande le président.
Explications de l’accusé : « Un jour, j’ai voulu rentrer, le beau-père m’attendait avec un fusil de chasse. Je suis revenu quand il n’était pas là, j’étais à la rue, j’avais nulle part où aller. Ma mère m’a dit : « Tu dégages ! », m’a expulsé. J’ai été vexé et j’ai sorti mon pistolet, je l’ai mis sur ma tempe, en criant : « C’est ça que tu veux ? !!  » Je suis parti quand j’ai vu dans ses yeux un certain soulagement. »
« J’ai augmenté la violence puissance 10 »
Retour à la case prison en octobre 1996, pour une année, pour exécuter plusieurs condamnations et des révocations de sursis.
« J’ai augmenté la violence puissance 10. » On lui reproche pendant cette incarcération en juillet 1997 d’avoir violenté un garçon affecté dans sa cellule qui était là pour des faits à caractère sexuel commis sur sa sœur. « J’en voulais pas dans la cellule, je lui ai porté deux coups. »
Le président rappelle les « coups avec pelle ou manche à balai » et évoque une masturbation et une fellation que lui aurait imposées Tony Meilhon la première nuit.
Tony Meilhon a reconnu les faits de violence « pour venger la petite fille », mais toujours contesté les faits à caractère sexuel. « J’ai été condamné à tort. J’ai jamais violé qui que ce soit dans ma vie, il m’a fait passer pour un violeur et un homosexuel. »
Il sera condamné en mars 2001 par la cour d’assises à une peine de 5 ans de prison dont un an de sursis avec mise à l’épreuve.
Le casier judiciaire s’alourdit
Après sa deuxième incarcération, il est libéré en octobre 1997.
« C’est la période où vous êtes resté le plus longtemps dehors », indique le président. 22 mois jusqu’à une nouvelle incarcération pour ces faits évoqués précédemment. Mais son casier judiciaire continue à s’enrichir. Malgré une volonté exprimée de se « ranger » avec une nouvelle petite amie.
« Bon, je faisais quelques vols, je roulais sans permis, sans assurance, mais rien de grave par rapport à ce que j’ai fait dans le passé. »
Il trouve un travail de maître-chien. Et disparaît un jour sans donner de raison. Il laisse tout tomber après une convocation chez une juge pour les faits « qui se sont soi-disant passés en détention. J’ai eu peur. »
Il est condamné en 1998 pour vol en réunion (6 mois de prison), en avril 99 pour vol avec violence, violence aggravée… « Ça a commencé à chavirer à partir de l’accusation des faits sexuels. »
D’août 1999 au 31 mai 2003, il est incarcéré pour ces faits, pour lesquels il sera condamné par cour d’assises. « Je l’ai très mal vécu, le fait d’avoir été incarcéré pour affaires de mœurs. On m’a enfermé dans le quartier des violeurs, à cinq dans la cellule. »
Braquages avec violences
À sa sortie de prison, il va chez son frère et rencontre Justine. Il s’installe avec elle, travaille en intérim dans le nettoyage de voiture.
« J’avais contracté des dettes d’argent pendant ma cavale de 1999. Ils m’ont chopé, menacé, m’ont donné un calibre pour braquer. Je suis parti braquer un commerce (un bureau de tabac) en moto, ça n’a pas fonctionné, puis un 2e, pas fonctionné, et un 3e… J’avais la peur au ventre, j’étais sous la contrainte. »
Au bureau de poste de Héric, « cagoulé, casqué, j’ai pas vu client qui arrivait sur ma droite, j’ai porté un coup dans la mêlée, il a pris la crosse au visage. » Le président rappelle que la bande-vidéo montre une scène violente. « Pour ces victimes, j’ai de la compassion, un profond regret. »
Puis à la station-service à Saint-Etienne-de-Montluc : « Là aussi c’est assez violent. Vous auriez donné un coup de crosse sur la tête de la femme derrière la caisse », dit le président.
Nouveau renvoi devant cour d’assises de Loire-Atlantique. 6 années d’emprisonnement.
Trafic et consommation de drogues
Au casier, on trouve une évasion de janvier à avril 2007 (non réintégration après permission de sortie pour aller voir son fils).
« Je n’acceptais pas le mitard, ma copine me quittait, mon fils était placé, trop plein de pression. » Il a en effet eu un ''bébé-parloir'' avec Justine. « Je voulais fonder une vraie famille. Mais encore une fois, rien ne s’est passé comme ça, comme toute ma vie. »
Le président parle aussi des menaces de Tony Meilhon à sa petite sœur enceinte parce qu’elle n’avait pas voulu aller chercher un copain à lui à la sortie de prison. Elle dit alors : « Il a horreur qu’on lui dise non, qu’on n’aille pas dans son sens. »
À sa libération le 24 février 2010, il se rend chez sa belle-sœur et se montre vite violent. « Mon argent avait disparu, ils m’ont raconté des histoires ». Sa belle-sœur dira : « Il est impulsif, il fallait faire attention à nos paroles car il devenait vite violent. »
Tony Meilhon va alors vivre chez une nouvelle amie puis s’installe chez son cousin à Casse-Pot où il met sa caravane. « De quoi vous vivez ? », l’interroge le président. Réponse : de trafic de ferraille, de stupéfiants.
Il en consomme alors aussi beaucoup, cannabis, cocaïne, plusieurs fois par jour, associé à du haschisch et de l’alcool.
Tentatives de suicide
« J’ai fait aussi des choses de bien dans ma vie, j’ai sauvé un détenu de la pendaison, un surveillant d’une crise d’épilepsie, un détenu d’un feu de cellule, j’ai évité des bagarres. On ne retient que des choses mauvaises. » Le président réplique : « Il y a quand même une densité de faits négatifs… »
De 2010 à 2011 et pendant les deux ans de sa détention, il n’aura aucun contact avec sa famille.
La détention est « particulièrement compliquée », comme l’explique le président. Avec notamment des tentatives de suicide. « C’était pour rejoindre l’UMD (Unité des malades difficiles). Une forme de chantage. J’ai souffert de l’atrocité du crime. Je voulais une abolition, me faire passer pour fou, pour me faire déclarer irresponsable pénalement. »
En mars 2011, quand il est réintégré au centre pénitentiaire, il casse tout dans sa cellule et sera placé à l’isolement.
« La pire chose que j’ai faite »
La suite, on la connaît. Il refuse des extractions chez le juge d’instruction, pour la reconstitution. Les raisons qu’il évoque : « Les conditions de transport, les bœufs sont mieux transportés que nous. La presse était toujours présente. Et il y avait mon état psychologique… »
Il dit avoir voulu se « faire passer pour fou » et est bien conscient que « cette affaire a suscité l’émoi chez tout le monde ».
Aujourd’hui, il juge son comportement de « lâche, ignoble, immature. Je ne voulais pas assumer ça. L’horreur des faits. Maintenant, il faut arrêter de mentir, et assumer. »
« Quel est le pire souvenir de votre vie ? », lui demandera avant midi Cécile de Oliveira, l’avocate de la sœur de Laëtitia. « La pire chose que j’ai faite, c’est ce qui concerne cette affaire. »
 

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