samedi 24 août 2013

Affaire Mazières : Le rôle des experts psychiatriques sera déterminant

"Ma vie se consume comme ta clope": un blog parmi des milliers accessibles sur Internet. Alimenté essentiellement courant 2009, il est signé Dany Hunter. A l’écran, un jeune garçon y poste ses états d’âme, ses clips préférés, des images de fiesta, de ses potes, de ses copines… A la date du 18 janvier 2009, trois photos sont mises en ligne. On y voit Dany sirotant un cocktail. Dany, de nuit, posant en mannequin de mode, place de la Concorde. Et juste au-dessus, celle de l’acteur Christian Bale, le visage taché de sang dans son rôle de tueur psychopathe d’American Psycho… Nul doute que ces documents, parmi d’autres, vont être analysés par le juge d’instruction Jean-Louis Jouve et plus encore par les experts psychiatriques qui seront amenés à se pencher sur les auteurs présumés de l’assassinat du journaliste Bernard Mazières, retrouvé mort à son domicile, place Saint-Sulpice à Paris, le vendredi 24 décembre dernier; parmi lesquels son propre fils, L., 17 ans, et son copain Dany M., 22 ans, présumés innocents, et qui aurait reconnu avoir porté les coups mortels.

Un dossier hors norme

"Du travail pour les psys…": même les plus endurcis des policiers de la Brigade criminelle s’avouent circonspects devant ce dossier hors norme, ses protagonistes, leurs motivations et les ressorts psychologiques qui les ont animés. La drogue, cannabis et cocaïne en l’occurrence? "Hors sujet", répond-on Quai des Orfèvres. Un contentieux financier entre le père et le fils? "Terriblement réducteur, c’est beaucoup plus complexe", rétorque-t-on au 36. "L’aspect psychologique est prépondérant, insiste Me Emmanuelle Kneuze, l’avocate du fils de Bernard Mazières, le reste est anecdotique". Les deux avocates de Dany refusent tout contact avec la presse.
"Incompréhension." Que ce soit parmi les proches de la victime ou chez les amis des mis en cause, ce mot revient sans cesse. Même chose chez les enquêteurs qui ne s’expliquent pas les larmes d’un fils éploré dans les bras de sa mère, puis ses aveux, aussi secs que froids, selon une source policière, quelques jours plus tard. Tout comme ils peinent à donner un sens au scénario élaboré par les deux jeunes (un cambriolage qui aurait mal tourné) conjugué à l’absence d’élémentaires précautions pour, au moins, tenter de duper les policiers.
L’enquête a en effet basculé au lendemain du week-end de Noël avec le retour des réquisitions bancaires et téléphoniques. Pourquoi, notamment, tous ces appels entre L. et son copain Dany la nuit du drame? Placé en garde à vue, le fils de l’ancien journaliste politique du Parisien passe aux aveux. Pisté par son téléphone portable, Dany sera arrêté deux jours plus tard en banlieue sud par l’antigang au sortir du domicile de la jeune fille mineure qu’il fréquente depuis un an. Ce dernier avait d’abord pris soin de se dissimuler le visage en retirant de l’argent dans des distributeurs avec la carte bancaire volée à la victime, mais il l’a ensuite purement et simplement donnée à un copain, Stanislas, lui aussi aisément retrouvé par la police puisqu’il a, avec sa petite amie, effectué des achats sur Internet depuis son propre ordinateur. Le Petit Poucet n’aurait pas fait mieux…

"Je n’ai pas de problème d’argent"

Selon certains proches, Bernard Mazières s’était inquiété ces derniers mois des "mauvaises fréquentations" de son fils. Pensait-il à Dany? Les deux garçons auraient pu se connaître au lycée Montaigne. Ils ont fréquenté tous les deux cet établissement huppé. Dany, d’origine gabonaise mais qui a grandi à Vendôme (Loir-et-Cher), y a décroché son bac avant de poursuivre pendant trois ans ses études à l’université Paris-VI Pierre-et-Marie-Curie. L. l'a intégré cette année après s'être fait renvoyer l'an dernier de l'Ecole active bilingue (EAB). A moins que leur amitié ne soit née en soirées ou en boîtes de nuit qu’ils fréquentaient tous deux assidûment.
Domicilié à Suresnes (Hauts-de-Seine), Dany n’aurait pas agi par intérêt financier – "Je n’ai pas de problème d’argent", a indiqué aux policiers celui qui, après une vocation de mannequin avortée, venait de se lancer dans l’immobilier –, mais pour "rendre service". Ce projet fou de parricide serait né cet automne. "Ils avaient aussi évoqué une agression à la sortie d’un bistrot", précise une source proche de l’enquête, avant de choisir le marteau pour une attaque à domicile. Quel pacte pouvait bien unir ces deux garçons – jeunes, séduisants et comptant des ami(e)s par centaines sur les réseaux sociaux – dont l’un n’a jamais connu son père et l’autre a vraisemblablement condamné le sien à mort?
 

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