mercredi 21 août 2013

La meurtrière d'Espalion : «J'ai toujours haï mon père»

En février dernier, Élizabeth, une hôtesse de l’air de 47 ans, tuait son père à coup de couteau dans sa maison d’Espalion, dans l’Aveyron. Arrêtée, elle s’est donné la mort quelques mois plus tard en prison. En emportant ses secrets…
C’est une maison un peu austère, avec ses pierres blafardes, ses lauzes aiguës, ses conifères presque bleus et ses fenestrons pointus. Une maison comme on en trouve tant, à Espalion, là où l’Aveyron s’aventure vers l’Aubrac et ses froidures.
Les gendarmes d’Espalion n’ont pas un bon pressentiment, ce 4 février 2013. Ils connaissent bien le propriétaire des lieux. C’est un ancien antiquaire. Il est âgé de 72 ans, et c’est un personnage haut en couleur qui avait monté une boutique d’antiquité brocante route de Laguiole.
S’ils sont venus sur place, c’est que les enquêteurs ont reçu des informations très inquiétantes. D’abord, c’est une amie de la fille de l’antiquaire qui a averti la gendarmerie. Élizabeth lui a dit qu’elle allait se suicider. Un autre ami d’Élizabeth, lui, dit qu’elle l’a appelé. Et qu’elle lui a confié… qu’elle avait tué son père !
Les enquêteurs entrent dans la maison. Une forte odeur d’essence les prend à la gorge. La maison semble déserte. Personne dans le salon, la cuisine, les chambres…
Ils explorent l’atelier. Et c’est là qu’ils découvrent Jean Zwinger. Il repose dans une mare de sang. Il a été tué, à l’arme blanche…
Où est Élizabeth ? Les gendarmes ont vite compris le scénario : elle a tué son père et maintenant, elle va se suicider. Il faut faire vite. On lance des recherches tout autour de la maison. Nous sommes au mois de février, dans le nord Aveyron. Il fait froid. Les bois entourent la maison. Les recherches commencent. On fouille une mare, toute proche. On explore les bois. On ratisse les sentiers voisins. On sort les chiens. On survole le secteur en hélicoptère.
Rien.
En attendant, on pratique une autopsie. Oui, Jean a reçu sept coups de couteau. Mais ce ne sont pas ces blessures qui l’ont tué. C’est une balle, qui a provoqué la mort. On le saura plus tard. C’est lui qui a supplié sa fille de l’achever à l’arme à feu !
Sa fille, on la retrouve, neuf jours plus tard. Elle est allongée dans la neige. Hagarde. En hypothermie. Épuisée. Ravagée. Les pieds gelés. Qui reconnaîtrait la pimpante hôtesse de l’air de 47 ans, que l’on connaissait à Espalion ?
Elle avoue tout de suite. «J’ai tué mon père». Et elle rajoute : «Je le hais depuis que je suis toute petite…»
Et c’est là que commence le mystère d’un huis clos familial. Car en apparence, cette petite famille avait l’air ordinaire, heureuse, unie. On se souvient de la petite Élizabeth comme d’une écolière modèle, travailleuse, discrète. On sait qu’elle fut une étudiante brillante, qui a obtenu une maîtrise de droit. Le père avait monté un club de judo ou la mère et la fille s’entraînaient. On raconte aussi que la jeune fille était proche de son père et entretenait une relation fusionnelle avec sa mère…
Oh, il y a quand même cette histoire d’attouchements avec un grand-oncle qui fait tache…
Mais alors pourquoi cette jeune juriste choisit un métier qui va l’emporter au bout du monde, loin, très loin d’Espalion et de la maison des Quatre routes ? Pourquoi est-ce que cette pétillante brune n’a jamais voulu se marier, préférant les aventures sans lendemain à l’autre bout de la planète ? Petit à petit, on devine des lignes de fracture, des douleurs, des non-dits, des secrets de famille… Car dès son interpellation, Élizabeth crache toute la haine qu’elle éprouve pour son père. Elle raconte tout de go qu’elle le détestait depuis toujours. Qu’elle lui reprochait de ne pas s’être occupé de sa mère quand elle souffrait du cancer qui l’a emporté. Le soir du crime, elle lui a lancé : «Cela fait des années que tu es le mal. Tu as pourri ma vie et celle de maman !»
Ce soir-là, Élizabeth avait tout calculé. Elle avait demandé à son père de ramasser un objet tombé derrière le radiateur. Quand il s’est penché, elle a frappé avec une vieille dague militaire. Sept fois. Agonisant, son père lui a expliqué où il avait rangé son arme à feu. Et il lui a demandé de l’achever. Ce qu’à fait Élizabeth, sans regret.
Avant de partir, elle a arrosé la maison avec de l’essence. Mais elle n’a pas réussi à mettre le feu…
Après ces aveux, on a placé Élizabeth sous haute surveillance, à l’hôpital, d’abord, puis à la prison. Mais, le 2 juillet dernier, à Seysses, profitant de l’absence d’une codétenue, Élizabeth s’est pendue. Elle ne dira jamais plus rien de cette terrible haine.

http://www.ladepeche.fr/article/2013/08/21/1693131-la-meurtriere-d-espalion-j-ai-toujours-hai-mon-pere.html

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