mercredi 26 mars 2014

L'improbable procès de "Papy Marcel", le plus vieil accusé de France

"Je ne l'ai pas tapée, c'était ma petite amie", a tenté de se défendre Marcel Guillot, 93 ans, souvent isolé des débats par sa surdité, au premier jour de son procès, mercredi à Reims, pour le meurtre d'une octogénaire en 2011. Dès le début de l'audience, les jurés de la cour d'assises de la Marne se sont figés à la vue du vieil homme, communément appelé "Papy Marcel", soutenu par des agents pénitentiaires qui l'ont conduit lentement vers une chaise posée face à ses juges.
"Il est bien appareillé ? Il y a des piles de rechange ?" a demandé le président Patrice Bresciani après avoir adressé plusieurs fois un "bonjour" à l'accusé qui restait interdit, les yeux hagards. La solution fut de l'approcher à moins d'un mètre du magistrat pour un interrogatoire de personnalité, exagérément articulé.

"Certain béguin"

"Je ne l'ai pas tapée, c'était ma petite amie", s'est défendu le prisonnier le plus âgé de France poursuivi pour meurtre sur personne vulnérable, un crime passible de la réclusion criminelle à perpétuité. "Et les traces de coups ?" demande le président. "Je ne sais pas, ça a dû arriver quand je l'ai traînée dans les escaliers", a-t-il balbutié, ajoutant plus tard : "Elle s'est pris les pieds dans le tapis, après elle était pleine de sang." On ne saura rien de ses motivations, à peine le président réussit-il à lui faire avouer "un certain béguin" pour la victime avec qui il avait un "truc à régler", un meurtre par dépit amoureux, avaient conclu les experts lors de l'instruction.
Retour à petits pas, le pantalon tombant, vers son banc où il reste prostré dans sa surdité, le corps courbé, alors que le médecin légiste décrit avec force détails les multiples plaies et traces de strangulation qui ont entraîné la mort de Nicole El Dib, 82 ans, dans la nuit du 7 décembre 2011.
Le corps de la victime avait été retrouvé par le gardien dans le ruisseau qui traverse sa propriété, un vaste corps de ferme juché au milieu d'un grand parc en bordure du village de Saint-Gilles, au sud de Fismes (Marne). Selon les experts, elle avait été frappée violemment dans sa chambre située au premier étage avant d'être traînée hors de la maison. Après cinq mois d'enquête et plus d'une centaine d'auditions, dont celle de Marcel Guillot, un ami de la famille de longue date, les gendarmes de Reims avaient interpellé l'accusé dans un camping de l'île d'Oléron, où il passait habituellement ses vacances.

"Un corps mort, c'est lourd"

Veuf depuis 2004, l'accusé fréquentait régulièrement la victime, une amie d'enfance de sa femme, et avait séjourné quelques mois avant les faits dans la propriété de celle-ci alors qu'elle se retrouvait seule à la suite de l'hospitalisation de son mari, atteint de la maladie de Parkinson. Après un séjour d'environ trois semaines, Nicole El Dib, qui entre-temps avait engagé un couple de gardiens, l'aurait alors congédié sans ménagement avant de lui confirmer ultérieurement sa décision de ne plus jamais le recevoir.
Confondu par l'analyse ADN de traces de sang retrouvées sur sa montre abandonnée sur la scène de crime, le vieil homme avait reconnu une partie des faits, expliquant qu'il avait été humilié par la victime et qu'il s'était rendu chez elle de nuit pour lui infliger une correction, une "rompée", avait-il indiqué aux enquêteurs. Il avait également précisé qu'il avait manqué de force pour charger le corps dans sa voiture et avait décidé de l'abandonner dans le cours d'eau. "Un corps mort, c'est lourd. Pourtant, je suis costaud", raconte-t-il au président de retour à la barre. "J'aurais voulu enterrer Nicole quelque part et mettre les cendres de ma femme avec", ajoute-t-il avant de se renfermer dans sa bulle. Le verdict est attendu vendredi soir.

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