samedi 1 mars 2014

Rixe mortelle à Toulouse : «Jamais je ne me suis imaginé à l'origine d'un tel drame»

Paul Vagapoff comparaît depuis hier devant les assises de la Haute-Garonne pour le meurtre, à l’arme blanche, de Gilles Cazade, un étudiant le 1er octobre 2011 à Toulouse.
Tête baissée, mains jointes, Paul Vagapoff semble avoir des difficultés à observer la salle d’audience de la cour d’assises. Un pull au bleu fatigué, un T-shirt, un jean, cet accusé de 24 ans ressemble aux nombreux étudiants présents dans la salle. Accusé de meurtre, il risque 30 années de réclusion criminelle. Assis au premier rang, le frère et les parents de la victime, Gilles Cazade. Un étudiant, lui aussi, venu des Landes pour apprendre le génie mécanique. Il voulait faire carrière dans l’aéronautique. Il est mort dans la nuit du 1er octobre après des mots de trop et une altercation aussi rapide que violente avenue Etienne-Billières, à Toulouse. «La paix semblait pourtant au rendez-vous, glisse dans sa présentation du dossier le président Dominique Bardou. Vous aviez même fini une bouteille de rhum ensemble…»
Cela n’a pas empêché la remarque de trop et les coups fatals. Hier les jurés, quatre femmes et deux hommes, ont découvert la personnalité de l’accusé. Et ils ont dû se demander ce qu’ils faisaient là.
Grand et mince, Paul Vagapoff s’exprime clairement, sans retenue en réponse aux questions du président. «C’est exact, je n’ai jamais connu mon père. Je crois que ce ne m’a jamais manqué puisque mon père, c’était mon beau-père. Il m’a élevé avec des valeurs classiques comme son fils.»
Le respect des autres, de la société, le goût du sport. «Quand ils se sont séparés avec ma mère, j’avais 15 ans. Cela a été difficile parce que je l’aimais beaucoup. Et puis j’étais à un âge où on est plus attiré par les copains…»
Une enfance sans histoire, une adolescence identique, la philosophie qui le passionne au point de poursuivre avec son professeur des discussions en dehors de la classe avant de se lancer, «comme une évidence, pour développer des activités économiques au service de l’humain», des études de sociologie puis un master d’économie durable. C’était en septembre 2011. Il a été incarcéré le 2 octobre.
Alors pourquoi Paul Vagapoff, arrière-petit-fils d’immigré russe installé en Corrèze est-il devenu un meurtrier ? Rien ne transpire si ce n’est son attirance pour l’alcool et une dépression qu’il pense soigner en buvant. «Je ne me rendais pas compte. Aujourd’hui après avoir travaillé sur moi-même en détention, je comprends mieux. Je n’arrivais pas à prendre de distance avec mes cours.» Et sur l’altercation dramatique, cette phrase : «Jamais je ne me suis imaginé à l’origine d’un drame aux conséquences aussi catastrophiques.»

«Je n'y crois toujours pas»

Ses professeurs s’interrogent. «L’image que j’avais de lui et les faits qu’on lui reproche ne peuvent pas se superposer», dit son ancien enseignant de philosophie. Et sa mère, une éducatrice de 45 ans à la voix douce reconnaît en réponse à une question du président : «Je n’y croyais pas. Je n’y crois toujours pas.» Elle ne le défend pas, n’excuse rien mais insiste : «Il a beaucoup travaillé sur lui-même en prison.» Et finalement, c’est peut-être son grand-père qui arrive le mieux à défendre l’enfant qu’il a aidé à élever. «Nous étions très proches. Nous le sommes restés. Quand j’ai appris, j’étais abasourdi. Je ne savais quoi penser. Ce n’était pas possible. Mais c’est mon petit-fils. Je devais me ressaisir. Pas le laisser tomber, ni sa mère. Les soutenir.»
Dans le box, Paul Vagapoff cache ses larmes. Et Charles Vagapoff, 74 ans, poursuit : «Il n’est pas… Comment dire ? Il n’a pas de méchanceté, au fond. C’est un coup de folie. Ce n’est pas lui, ce n’est pas Paul, ça !»
Derrière lui, la famille de Gilles Cazade, tendue, émue, les yeux rougis, n’a rien dit. Lundi avec l’examen des faits, la tension risque de monter.

http://www.ladepeche.fr/article/2014/03/01/1830036-rixe-mortelle-toulouse-jamais-suis-imagine-origine-tel-drame.html

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