vendredi 20 juin 2014

Nancy : Pas de cadeau pour l’accusé

Nancy. « J’ai perdu ma mère et mon fils dans cette histoire », résume Sabine Gagner. Le constat est dramatique mais énoncé sur un ton calme et réfléchi. Sans en faire des tonnes. En visioconférence depuis Saint-Denis-de-la-Réunion où elle a refait sa vie, cette femme de 54 ans a livré un témoignage plus cérébral qu’émouvant devant la cour d’assises de Nancy.
Ce qui lui a permis de sortir par le haut de la position difficile dans laquelle elle se trouve. Son fils, Charles-Edouard Wagner est en effet dans le box depuis mercredi. Ce qui n’est jamais facile à assumer pour une mère. C’est d’autant plus difficile pour Sabine Gagner que le jeune garçon est jugé pour avoir battu à mort, en 2010 à Malzéville, sa grand-mère maternelle, et donc sa mère à elle.
« C’est un drame familial dans lequel nous avons tous notre part de responsabilité », reconnaît Sabine Gagner qui prend plutôt la défense de son fils : « Même si le crime est atroce, je pense qu’il a des circonstances atténuantes ».
A commencer, selon elle, par l’attitude de la victime. Elle reproche à la défunte grand-mère de ne pas lui avoir laissé sa place de mère et de s’être « accaparé » son fils depuis son plus jeune âge : « Pour elle, j’étais une incapable, elle devait donc prendre en charge son éducation. C’était une question d’honneur et de morale ». Et d’ajouter : « Elle l’a élevé. Elle s’est sacrifiée pour lui. Mais elle lui a aussi dit beaucoup de mal de ses parents et cela peut détruire un enfant ».

« Un grand malade ! »

Sans doute irrité par ce portrait en demi-teinte, pas toujours flatteur, de la victime, l’avocat général Cédric Laumosne tend un piège à la mère de l’accusé : « Quel jour sommes-nous ? » Surprise de Sabine Gagner : « Euh… Jeudi » Un éclair. Elle comprend et réplique : « C’est le jour de l’anniversaire de mon fils. Quand même, monsieur, une mère n’oublie pas ça ! »
Charles-Edouard Wagner a en effet « fêté » ses 27 ans. Un anniversaire qui n’a rien de joyeux. Pas de cadeau. À la place, une série de rapports peu flatteurs présentés par des experts psys. Car comme l’a diagnostiqué sa mère : « C’est avant tout un grand malade ! »
Les psys peinent à mettre un nom précis sur sa maladie. L’accusé revendique une schizophrénie. Il prétend aussi avoir des hallucinations. Les experts n’y croient pas. Il lui trouve des problèmes psychiatriques bien gratinés mais pas celui-là. Ils parlent de « psychose », de « psychopathie » ou de « personnalité psychotique ». Tous sont d’accord pour dire qu’il souffre de « troubles graves de la personnalité » et qu’il a « besoin de soins » jusqu’à la fin de ses jours.
Les psys sont aussi unanimes pour souligner le rôle « extrêmement ambivalent » joué par la grand-mère : « C’était : je t’aime, moi non plus. Ou, encore je t’aide mais je fais tout pour te mettre en difficulté », insiste le docteur Boquel qui a examiné le petit-fils lors de son adolescence puis, des années plus tard, après son crime. Et d’ajouter : « C’était difficile pour lui de ne pas en sortir fou ».

« Détruite par un enfant sans affect »

En fin de journée, le fils de la victime et oncle de l’accusé, Alexandre Gagner, réagit et prend la défense de la mémoire de sa mère : « Charles-Edouard a surtout souffert d’avoir des parents virtuels. Je suis mortifié par leur absence à ses côtés. J’ai honte… Et dire que l’on reproche maintenant à ma mère d’avoir donné trop d’amour à son petit-fils, c’est inacceptable ! »
Son témoignage bascule de la colère aux larmes lorsqu’il raconte la lente descente aux enfers de la victime, dépassée par un petit-fils de plus en plus perturbé, de plus en plus marginal, de plus en plus violent : « J’ai vu ma mère détruite par cet enfant sans affect… Et je n’ai rien pu faire… Je n’ai pas été à la hauteur ».
Dans le box, les yeux du petit-fils meurtrier restent secs. Il intervient juste pour s’étonner que son oncle ne soit jamais venu le voir en prison. Stupeur de la présidente Thouzeau : « Vous vous rendez compte que c’est sa mère que vous avez tuée ». Verdict aujourd’hui.

http://www.estrepublicain.fr/actualite/2014/06/20/pas-de-cadeau-pour-l-accuse

Aucun commentaire: