vendredi 20 juin 2014

Procès Bonnemaison : au septième jour d'audience, l'accusé n'est plus seul

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Seul, le docteur Bonnemaison l'a été dans sa pratique, au sein de l'Unité hospitalière de courte durée (UHCD) de l'hôpital de Bayonne, cette entité de huit lits, sas au sein des urgences.
L'œil du sociologue
Philippe Bataille, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, a dénoncé les dérives des soins palliatifs dans un ouvrage intitulé "A la vie à la mort. Euthanasie : le grand malentendu" et témoignait à la barre ce jeudi. Il s'interroge sur la criminalisation de l'euthanasie dans le cas du procès Bonnemaison, qui aura selon lui des conséquences dans le débat national sur la fin de vie
 
Au cours des premiers jours du procès, cette solitude a paru sensible, malgré la présence et les marques d'affection de sa femme, le Dr Julie Bonnemaison, et en dépit de l'indéfectible appui de son comité de soutien, venu chaque matin, mais constant dans le mutisme.
Ce jeudi matin, le Dr Bonnemaison se sera t-il- senti moins seul que jamais, ou en tout cas depuis que ''l'affaire'' a éclaté, en août 2011 ? Car les quatre témoignages ont constitué des soutiens d'importance, sur une ligne partagée, celle du geste visant à accompagner la fin de vie de patients, et parfois à l'accélérer, et qu'ils ont tous ''avoué'' avoir pratiqué.
"Un travail d'humanité énorme, extrêmement douloureux"  
"Un travail d'humanité énorme, extrêmement douloureux. Vous êtes seul'', selon le professeur Jean-Etienne Bazin, anesthésiste-réanimateur à Clermont-Ferrand, qui a rappelé que les cas d'empoisonnement dont doit répondre l'ex-urgentiste bayonnais étaient des états agoniques.
Le docteur Bernard Senet, généraliste dans le Vaucluse, membre de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité, a raconté le jour où il savait qu'il faisait ''quelque chose d'interdit''. Une jeune fille de 14 ans, cancéreuse en phase terminale, lui ''avait demandé de l'aider à partir''. 
"On ne peut rester indifférent aux gestes que l'on a fait"  
''On ne peut rester indifférent aux gestes que l'on a fait'', a assuré, très ému, le docteur Jean-Pierre Lacassagne, cardiologue à la retraite (Biarritz), cité par la défense. Ce praticien a raconté les trois gestes qu'il a pris la décision de réaliser sur des patients, utilisant ''hypnovel et curare''.
L'audition de Marie-Pierre Khun, médecin anesthésiste-réanimateur, ex-collègue et amie du docteur Nicolas Bonnemaison s'est faite dans un silence religieux. Pendant d'intenses minutes, elle a décrit ce que les jurés, qui devront se faire une intime conviction, ne connaissent pas : les manifestations de l'agonie. Avec infiniment de précision et de pudeur tout à la fois, la jeune femme a rendu sensible le ''calvaire''. Ainsi, cet homme de 50 ans, cette année, déterminé à sa fin, et soutenu par sa femme dans son choix. ''Il a refusé très fermement le respirateur''. Et pourtant pendant quatre heures, le Dr. Kuhn s'est donné le temps de la réflexion. Seule.
"Tu as été là"
Le Pr Philippe Dabadie, 65 ans, anesthésiste réanimateur en Guadeloupe, et ''maître'' du Dr Nicolas Bonnemaison fut l'enseignant de l'ex-urgentiste à la faculté de médecine de Bordeaux. Il a livré un témoignage à la fois technique et humain.
Technique, car à la lecture du dossier médical d'une patiente, parmi les sept pour lesquels l'accusé répond de faits d'empoisonnement, le professeur a assuré : ''le cerveau de cette dame est mort, et pourtant, il y a encore une petite partie de sa physiologie qui exprime de la douleur''.
Humain, car le professeur. a raconté l'agonie de ses parents, rappelant que dans ces circonstances douloureuses, il avait fait confiance à ses confrères.
Emouvant, enfin, car le Pr Dabadie a demandé au Dr Nicolas Bonnemaison ''pardon pour l'avoir laissé seul se débrouiller dans des situations complexes''. L'accusé a pris la parole : ''Je voulais te rassurer, tu as été là''. Quelques minutes plus tard, devant le tribunal, en compagnie de certains soutiens, il affichait un grand sourire.

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