mercredi 7 janvier 2015

Affaire Vincent Lambert : ultime recours devant la justice européenne

La Cour européenne des droits de l'homme, saisie par les parents de Vincent Lambert, se penche ce mercredi sur le sort du tétraplégique, un jour avant la sortie d'un livre accusateur rédigé par son médecin, où il qualifie les parents de "djihadistes catholiques".
"Laisser partir" Vincent Lambert ou le maintenir artificiellement en vie. C'est la question sur laquelle se penche ce mercredi la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). Le sort de ce tétraplégique en état végétatif est devenu en quelques mois l'objet d'une tragédie familiale aux enjeux éthiques complexes. Un ultime recours, durant lequel les juges devront trancher entre le choix de son épouse, Rachel, ou de ses parents, qui refuse l'arrêt des soins.
Victime d'un grave accident de la route en 2008, Vincent Lambert, 38 ans et hospitalisé à Reims, souffre de lésions cérébrales irréversibles. En juin, le Conseil d'Etat a décidé d'autoriser l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation artificielles de cet homme. Mais ses parents, l'une de ses soeur et son demi-frère contestent cette décision et ont saisi la CEDH. Cette dernière a immédiatement suspendu la décision du Conseil d'Etat, le temps d'examiner le fond du dossier.
Cette décision médicale avait été prise il y a un an. Son épouse Rachel, cinq de ses frères et soeurs, et un de ses neveu l'avaient approuvée. Mais un tribunal administratif l'avait annulée.
Une décision conforme aux textes européens ?
Dans cette affaire concernant la vie d'un homme, l'instance suprême de la CEDH, la Grande chambre, a été chargée directement d'examiner la conformité de la décision française avec les textes européens. L'audience de mercredi doit permettre aux juges strasbourgeois d'évaluer les arguments du Conseil d'Etat, pour qui l'arrêt des traitements de Vincent Lambert était conforme au cadre tracé par la loi Leonetti de 2005 sur la fin de vie. Et pour qui un maintien en vie constituerait une "obstination déraisonnable", compte tenu du caractère irréversible de l'état de Vincent Lambert et de son mauvais pronostic clinique.
La juridiction française s'est aussi appuyée sur la volonté exprimée selon sa femme par Vincent, avant son accident, de ne pas être maintenu artificiellement en vie dans un état de grande dépendance. Rachel Lambert, 33 ans, appelle à "laisser partir" son mari pour "respecter celui qu'il était".
Un livre accusateur 
Dans un livre à paraître le 8 janvier et dont les extraits ont été publiés par Le Figaro, le Docteur Eric Kariger, médecin de Vincent Lambert, donne sa version des faits. A deux reprises, il a tenté l'arrêt des soins. Une décision qu'il justifie par "la certitude que Vincent Lambert n'aurait pas voulu vivre dans cet état", "élément clé de [s]on rapport de mon rapport" où il est question de "la nature irréversible de ses lésions cérébrales".
Amère, le médecin déplore dans Ma vérité sur l'affaire Lambert le choix des parents de Vincent. Lors de sa deuxième décision de mettre un terme aux soins de leur fils, le Docteur Eric Kariger se souvient leur avoir dit : "Je vous donne une deuxième chance […]. Si, en revanche, vous allez une nouvelle fois devant la justice, tout ce qui est consigné ici (j'avais un dossier épais), notre secret partagé, va sortir au grand jour. C'est votre famille que vous ébranlerez. Ni Vincent ni aucun d'entre vous ne le mérite". Des propos durs et accusateurs envers ceux qu'il qualifie de "'djihadistes' catholiques", qui sortiront au grand jour au lendemain de l'audience devant la Cour européenne des droits de l'homme.
"Euthanasie déguisée"
Les parents de Vincent Lambert estiment que la décision du Conseil d'Etat est une "euthanasie déguisée", soulignant que leur fils n'avait pas rédigé de directives anticipées. "J'espère que la CEDH va pouvoir arrêter cette folie, Vincent n'est pas en fin de vie, il est handicapé", a dit Viviane Lambert, à son arrivée à Strasbourg mardi soir. "On veut nous faire dire qu'on ne veut pas qu'il parte, mais ce n'est pas du tout ça, on ne veut pas qu'on le supprime."
Pour l'avocat des parents Lambert, Me Jean Paillot, Vincent "irait mieux s'il était mieux pris en charge". Devant la CEDH, il fait notamment valoir des violations du "droit à la vie" et de l'interdiction de "traitements inhumains ou dégradants" pour faire condamner la France. "La loi Leonetti est une bonne loi", mais le cas de Vincent Lambert "montre les éléments flous" de ce texte, a-t-il ajouté, plaidant pour des aménagements dans le cadre du débat justement relancé en France ces dernières semaines.
L'affaire Vincent Lambert ne connaîtra toutefois pas son épilogue mercredi. La Grande chambre de la Cour ne rendra son arrêt que "dans au moins un à deux mois."

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