vendredi 23 janvier 2015

Lorraine : « Je tenais peut-être trop à cette femme »

Epinal. « J’ai perdu la tête… ». Dans le box, René Seiwert tente d’expliquer pourquoi, dans la nuit du 23 au 24 mars 2010, il a mis le feu à la maison de son ex-compagne, à Thaon-les-Vosges (88). Poursuivi pour tentative d’assassinat, l’homme, 67 ans, menton en galoche, visage fermé, peine à s’exprimer. Chaque mot lui coûte, à lui, ce taiseux, comme le qualifie l’un de ses avocats. Lors de l’instruction, le sexagénaire, qui a pris 12 ans en première instance à Epinal, il y a deux ans et demi (!), a assuré que c’est un différend financier qui l’a amené à vouloir se venger de Monique, qui l’a congédié fin 2005. « Elle m’a donné 57.000 € lors de la vente de sa maison, dans laquelle j’avais investi 100.000 €, et, petit à petit, j’ai pensé que je m’étais fait escroquer. Ça s’est installé doucement dans mon esprit ».
Impatiente, la présidente prend les choses en main : « Les sous, on sait que c’est du ‘’ bla-bla ‘’. Un écran de fumée. La vraie raison, c’est que vous ne supportiez pas la rupture, que vous ne supportez pas que l’on puisse se séparer de vous ». Seiwert, qui tient le micro comme on tient un cierge de Pâques, acquiesce. Il n’a pas le choix : dans la matinée, Monique, son ex-compagne, mais aussi Marie-Rose, sa dulcinée précédente, sont venues exactement raconter la même chose. Une relation qui démarre bien puis qui dérape, avec un Seiwert colérique et violent, une rupture aussi, avec, ensuite, un incessant harcèlement.
« Je tenais peut-être trop à cette femme. Je pensais peut-être la récupérer ». La présidente lui fait remarquer que ce n’est pas en la terrorisant qu’il allait parvenir à ses fins. « Oui, j‘ai eu tort, mais j’ai perdu la boule ».

« Je tiens à m’excuser pour tout le mal que j’ai fait »

Sa vengeance, Seiwert la peaufine longuement. Le plan est quand même un brin tarabiscoté : balancer des cocktails Molotov dans toutes les issues de la maison sauf une – la véranda -, attendre Monique et son concubin à la porte de celle-ci. « J’ai tendu un fil de fer pour qu’ils tombent, qu’ils réalisent que c’est moi qui avait mis le feu et qu’ils me voient me suicider avec le revolver. Je voulais laisser à Monique cette image atroce de quelqu’un qui se suicide… ». La présidente, d’une cruauté sans nom : « Vous croyez vraiment que cela aurait été une vision atroce pour eux ? Vous l’auriez libérée, je pense… ».
Seiwert poursuit : « En fait, quand j’ai vu le feu, j’ai paniqué ». La magistrate glisse : « Vous avez toujours dit que vous étiez parti parce que les voisins arrivaient. - En fait, non. C’est que je n’arrivais pas à aller au bout… - Les parties civiles estiment que vous vouliez tuer Monique et son compagnon… - Non. L’arme, je l’avais avant. Si j’avais voulu tuer Monique, je l’aurais fait avant. A la sortie de son travail ou quand elle faisait ses courses. Je n’ai jamais voulu tuer personne ».
La présidente lui rafraîchit la mémoire. Monique et son entourage ont en effet reçu moult menaces de mort. Une photo de mariage avec une tête de mort, des cassettes audio avec des chants funèbres…
« Je tiens à m’excuser pour tout le mal que j’ai fait. C’est venu à petit feu dans ma tête, tout doucement et de plus en plus fort. Je n’ai pas du tout pensé aux conséquences traumatisantes, j’étais trop emporté. Encore aujourd’hui, je ne me l’explique pas. Une folie ? Je ne sais pas ».
La même nuit, à 6 h 20 du matin, après avoir erré de longues heures, René Seiwert s’est constitué prisonnier, a posé son revolver sous le nez du planton du commissariat d’Epinal. Il explique alors qu’il « n’a pas réussi à faire » ce qu’il voulait. Que voulait-il d’ailleurs ? Tuer sa compagne ou se suicider devant elle ? Tout à l’heure, Mes Iogna-Prat et Giuranna ne manqueront pas de plaider l’acquittement pour la tentative d’assassinat. Hier, le second nommé a justement rappelé que l’accusation, dont c’est l’obligation, n’avait « toujours pas prouvé l’intention homicide ». Puis il a interpellé les jurés : « Si Seiwert avait l’intention de tuer, pourquoi s’est-il diable donc présenté avec le revolver ? N’était-il pas plus simple de le balancer dans l’eau et de dire qu’il venait simplement de mettre le feu ? » Une sacrée bonne question…
http://www.estrepublicain.fr/actualite/2015/01/23/je-tenais-peut-etre-trop-a-cette-femme

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