jeudi 25 juin 2015

Un octuple infanticide en procès : assassinat contraceptif ou désespoir de la solitude?

Dominique Cottrez comparaît jeudi devant les assises du Nord pour avoir étranglé dans le secret huit bébés à la naissance, des crimes inédits en France par leur ampleur, qualifiés, par certains, d'assassinats contraceptifs mais qui, pour d'autres, traduisent la solitude et le désespoir d'une mère.
"Chaque fois, j'espérais que le bon Dieu fasse quelque chose, un miracle.  Que quelqu'un me dise 'tiens, tu es enceinte'. Peut-être que j'aurais parlé,  que ça m'aurait fait un déclic et qu'on m'aurait soignée". Les mots sont de  Dominique Cottrez, interrogée en janvier par la presse locale. Cette femme comparait à partir de ce jeudi devant les assises du Nord pour avoir étranglé dans le secret huit bébés à la naissance. La voix brouillée par l'émotion, Mme Cottrez, 51 ans, placée sur une chaise et non dans le box des accusés, s'est présentée au micro à la Cour jeudi matin, peu après son arrivée. Cheveux coupés courts et lunettes rectangulaires vissées sur le nez, sa  ronde silhouette enveloppée dans un long gilet gris, elle était en pleurs avant  même le début de l'audience.

Le "déclic" a fini par survenir de l'extérieur, lorsque le 24 juillet 2010,  le nouveau propriétaire de la maison d'enfance de Dominique Cottrez à  Villers-au-Tertre (Nord) déterre du jardin le macabre secret: deux cadavres de  nourrissons en état de putréfaction dans des sacs plastiques. Les six autres  cadavres seront ensuite trouvés au domicile de la mère de famille.

La mère de famille réitèrera ces actes, "presque ritualisés" selon un  avocat, sept fois au cours de la décennie. Le procès aura pour ligne directrice  de faire la lumière sur les mécanismes qui mènent une mère à reprendre la vie  qu'elle vient de donner.
Il devrait être d'autant plus complexe que les experts dressent un portrait  psychologique contrasté de cette femme. Ainsi, Dominique Cottrez avait-elle  conscience de commettre des crimes ou était-elle soulagée de cette sorte  d'avortement tardif?
  
"C'était une bonne mère" 

"Elle mettait au monde non pas des bébés mais des bouts d'elle-même, dont  toutefois elle ne pouvait se séparer", analyse Me Marie-Hélène Carlier, l'un de  ses avocats. Me Carlier rappelle d'ailleurs que Dominique Cottrez avait gardé  les corps près de son lit pendant de nombreuses années, et compte plaider la  "dénégation de grossesse".

Devrait planer sur le procès prévu pour durer une semaine la présence  fantôme de son père, avec qui l'accusée dit avoir noué une relation incestueuse  dès l'enfance et jusqu'à sa mort en 2007. Dominique Cottrez a invoqué la  crainte que les enfants soient de lui.     Sera aussi questionnée sa personnalité immature et complexée, selon une  expertise - au point qu'elle ne se relèvera jamais totalement de l'humiliation  subie à l'hôpital pour ses premières grossesses, expliquant sa peur du corps  médical.

"Je me réjouis de la tenue de ce procès, mais il ne faut pas compter sur  lui pour comprendre comment fonctionnent les mères meurtrières", prédit Me  Rodolphe Costantino, avocat de l'association "Enfance et partage", constituée  partie civile.

Pour autant, "qu'on ne parle pas de déni de grossesse, c'est un déni  d'enfant: madame Cottrez a utilisé l'assassinat comme moyen de contraception",  souligne Me Yves Crespin, avocat de l'association L'Enfant bleu-Enfance  maltraitée, partie civile au procès.
Celui-ci concède toutefois que le rôle de seule gestionnaire du foyer  dévolu à Dominique Cottrez a pu alimenter l'indifférence familiale: "Du moment  qu'elle préparait bien la gamelle du mari, ça suffisait. C'est terrible à dire  mais c'était une bonne mère".

Il s'agit au final pour Me Costantino d'éviter "deux écueils" face à ces  infanticides "presque ritualisés": "le sentiment de révolte absolue disant 'si  les mères tuent leurs propres enfants comme des animaux, c'est la fin de  l'humanité'; et le mouvement compassionnel disant: 'il faut être tellement en  souffrance pour en arriver là'".
 

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