lundi 14 septembre 2015

Jugée pour le meurtre de sa fille handicapée : le récit en pleurs de la mère

Ce lundi à Rennes se tient le procès d'une mère jugée pour avoir tué sa petite fille de 8 ans, très lourdement handicapée. "C'était très difficile de savoir qu'elle ne parlerait jamais...", a confié l'accusée, en pleurs, durant l'audience.
Le récit de la courte de vie de Méline, petite fille très lourdement handicapée, tuée à l'âge de huit ans par sa mère, est au coeur du premier jour d'audience du procès de cette dernière, lundi, devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine.
Laurence Nait Kaoudjt, 44 ans au moment des faits, est jugée pour meurtre sur mineure de moins de 15 ans particulièrement vulnérable. Plaidant un "acte d'amour", elle a tué Méline en août 2010, peu après son installation à Saint-Malo en Ille-et-Vilaine, avant de tenter de mettre fin à ses jours. C'était un "épuisement moral et physique de chaque jour", raconte l'accusée, cheveux blonds frisés et veste à rayures, pleurant fréquemment au cours de son récit, même si la voix reste ferme: "Quand elle geignait, ça pouvait commencer le matin et durer toute la journée... Je n'ai jamais montré à ma fille que j'étais en souffrance, mais ma souffrance était bien réelle et mon épuisement était bien réel."
 
Ce n'est que 15 jours après la naissance de sa fille, le 31 mars 2002, que Mme Nait Kaoudjt se rend compte que son bébé ne la suit pas des yeux, ne bouge pas. Elle avait "un problème à l'hémisphère gauche" du cerveau, mais "aucune maladie n'a été nommée", explique-t-elle. La petite fille ne marche pas, ne parle pas, ne peut se nourrir ou aller aux toilettes seule... "Au début elle dormait dans un petit lit de bébé, puis on dormait toutes les deux ensemble parce que j'avais peur qu'elle tombe..." poursuit Mme Nait Kaoudjt. L'accusée, qui affirme que sa fille a été conçue lors d'un rapport non consenti avec un homme avec lequel elle ne vivait pas, a alors choisi de se consacrer à son enfant.
 
"Elle ne parlerait jamais..."
 
La petite fille doit porter un corset en raison d'une scoliose: "J'avais du mal à lui mettre, je le fermais avec des boulons d'acier, j'avais l'angoisse qu'elle ne supporte pas, qu'elle ne dorme pas." "C'était très difficile de savoir qu'elle ne parlerait jamais... Elle disait un mot: elle disait 'Manman', c'est le seul mot qu'elle a dit..." ajoute-t-elle, en pleurs. Mais "pour moi, c'était très compliqué de laisser ma fille à des tierces personnes, j'avais l'impression de l'abandonner simplement parce que c'était un être sans défense", reconnaît-elle.
 
A la barre, Cécile Herrou, une employée d'un des centres qui ont accueilli Méline à Paris à partir de ses deux ans, décrit la "grande souffrance" de la mère, mais aussi l'ampleur des problèmes de la petite fille. Contrairement aux attentes, son handicap va grandissant. Sa mère "parlait à sa place (...) comme si elle remplaçait une enveloppe vide, comme une ventriloque", relate Mme Herrou.
 
Un monde de ressenti
 
Le monde de Méline "était un monde de ressenti, de sensations", explique-t-elle à propos de cette petite fille. "Ce n'était pas une enfant qui avait un trouble neuromoteur qui l'aurait empêchée de marcher... mais sa marche ne signifiait rien pour elle." Pourtant, en mai 2009, en vacances à Saint-Malo, raconte Laurence Nait Kaoudjt, Méline "s'est mise à marcher sur la plage, toute seule (...) j'ai considéré cela comme un miracle... C'était incroyable: j'ai failli m'évanouir en la voyant marcher comme si elle avait su marcher tout le temps".
 
Une joie qui va déclencher son choix, quelques semaines plus tard, de quitter Paris pour Saint-Malo. C'est dans la maison achetée pour cette nouvelle vie que Méline a perdu la vie un an plus tard, dans la nuit du 22 au 23 août 2010, tandis que sa mère, après l'avoir étouffée, tentait de se suicider.Elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité au terme du procès qui doit s'achever mardi soir.

Aucun commentaire: