jeudi 17 septembre 2015

Mort sur son lieu de travail à la papeterie de Stenay : le procès

L’instruction du dossier a duré pas loin de 10 ans. « Autant dire que la famille de la victime est passée par toutes sortes d’états. Colère, impatience, désarroi, incompréhension face à la lenteur judiciaire… », souligne l’avocat de la partie civile, Me Laurent Paté. Le conseil représente 11 personnes au total, 11 membres de la famille de Jacky Legand, décédé sur son lieu de travail, la papeterie de Stenay, le 3 mai 2006, en début de soirée. L’homme, âgé de 46 ans, était marié et père de deux enfants de 10 et 11 ans. Il travaillait dans l’usine depuis 2003 : un ouvrier que tous ses collègues et supérieurs jugeaient très compétent. Alors pourquoi s’est-il retrouvé, ce soir-là, en bout de chaîne, étouffé par deux rouleaux de la machine servant à transformer de la pâte en papier ?
C’était tout l’enjeu du procès qui s’est tenu hier, au tribunal de Verdun. Sur le banc des prévenus, le gérant de la société Alhstrom de Stenay, accusé de manquements aux règles de sécurité dans son usine. Lorsqu’il avait été mis en examen, c’était pour homicide involontaire. Au final, le juge d’instruction avait rendu un non-lieu. Au grand désarroi de la famille de la victime…
Y avait-il des problèmes de sécurité au sein de l’usine ? « Dans un compte rendu du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le 22 mars 2005, un syndicaliste vous avait dit : la chance continue de tourner malgré la hausse du nombre d’accidents, combien de temps cela va-t-il durer avant qu’il y ait un mort ou un handicapé… », lance le procureur Miansoni. Une phrase sortie de son contexte pour la défense, qui précise que les rapports étaient tendus avec le syndicaliste en question.

La machine date de 1927

Le gérant le répète : il a toujours respecté toutes les mesures de sécurité. « Nous avons même été distingués au niveau de notre groupe à ce sujet-là. » Le problème semble résider dans la machine à fabriquer le papier, sur laquelle les ouvriers travaillent toujours et qui date de 1927. « Quatre personnes travaillent dessus nuit et jour. Elle produit 75 tonnes de papier par jour », explique le gérant. Particularité : environ trois fois par jour, le papier « casse », provoquant une sorte de bourrage. Il faut donc qu’un ouvrier intervienne dans un point entrant de la machine en y lançant du papier pour qu’elle se remette en route. Une procédure dangereuse mais incontournable selon le gérant, qui dit avoir formé ses ouvriers sur le sujet. Ce 3 mai 2006, pourtant, alors que personne n’avait prévu un risque entre le rouleau 50 et 51, Jacky Legand a été happé par la machine et est mort étouffé. « Depuis, vous avez mis une grille à cet endroit-là ! », tonne le procureur, qui requiert contre le gérant 3.000€ d’amende en s’appuyant, tout comme la partie civile, sur une lettre envoyée par l’inspection du travail, quelques mois avant les faits, lui demandant de trouver des solutions sur les points entrants de la chaîne de production.
Oui mais… pour l’avocat de la défense, Me Bernard Dartevelle, « on demandait à mon client d’imaginer des solutions, sans lui dire quoi faire. » Puisqu’aujourd’hui, s’il y a moins de points entrants, il y en a toujours : « C’est impossible de faire fonctionner la machine et de continuer la production sans ces points entrants. » Pour le conseil, le gérant s’est appuyé sur les textes de loi : » Quand la technique ne permet pas des mesures de sécurité nécessaires il faut en créer des compensatoires, ce qu’il a fait. » Impensable pour la famille de la victime : « Il est mort à cause de la machine. Nous demandons réparation. »
Le tribunal rendra son délibéré le 4 novembre prochain, à 8 h 45.

http://www.estrepublicain.fr/edition-de-verdun/2015/09/16/mort-sur-son-lieu-de-travail-a-la-papeterie-de-stenay-le-proces

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