mardi 13 octobre 2015

Procès de Nicolas Bonnemaison : ambiance houleuse avant la pause

Après le "pré-interrogatoire" de Nicolas Bonnemaison, un ancien enquêteur de la police à Bayonne s'est accroché avec un avocat de l'ex-médecin
a première journée du procès en appel de Nicolas Bonnemaison, accusé "d'empoisonnement" de sept patients âgés en phase terminale, s'était achevée lundi avec le "plaidoyer" de sa femme Julie. L'audience a repris ce mardi à Angers avec un "pré-interrogatoire" de l'accusé sur les faits et l'audition de Jean-Marc Abadie, ex-directeur d'enquête. Elle se poursuivra dans l'après-midi avec l'intervention d'experts, dont l'ancienne ministre et médecin Michèle Delaunay.
  • Tension avant la pause

La pause va aider à calmer les esprits. Dans la salle d'audience du moins. Car entre Jean-Marc Abadie et Arnaud Dupin, deux Landais (le premier habite Capbreton, le second est originaire de Dax), la tension ne va peut-être pas se dissiper aussi vite.
Ex-commandant à la police judiciaire de Bayonne au moment des faits, Jean-Marc Abadie venait d'évoquer "cette enquête atypique", la garde à vue de l'ancien médecin en 2011, quand des questions de la défense ont suscité son agacement.
Après des interventions de Me Arnaud Dupin, l'interrogeant sur ses connaissances médicales en matière de sédation pour visiblement le mettre en difficulté, Jean-Marc Abadie a tenu à reprendre la parole. "Quand l'affaire a débuté, les aide-soignants (qui avaient témoigné) étaient traumatisés. Je leur ai expliqué qu'ils n'avaient pas de souci à se faire". Et après le premier procès Pau, "les infirmières m'ont expliqué que Me Dupin les avait méprisées"."C'est minable", lâche alors Jean-Marc Abadie en direction de la défense. "C'est la première fois qu'un enquêteur me dit que mon travail est minable", répond l'avocat installé à Bordeaux.
"A titre personnel, je me désengage" de cette sortie, s'est ensuite levé l'avocat général. "Je ne regrette pas", poursuit Jean-Marc Abadie, que Me Ducos-Ader, autre avocat de Nicolas Bonnemaison "trouve bien orienté". "On a l'impression que vous avez un parti pris dès le départ" dans cette affaire.
  • "Vaut-il mieux les laisser agoniser ?"

"En aucun cas, l'objectif à atteindre est le décès du patient"
La cravate blanche nacrée sur le costume sombre égaie le visage d'un homme aux traits tirés. Nicolas Bonnemaison semble plus fragile que la veille. Les mains devant la bouche, il prend le temps de la réflexion, affronte parfois un "trou de mémoire" mais s'emploie toujours à s'exprimer de manière didactique.
Le temps a passé depuis les faits qui lui sont reprochés (2010-2011). Certains "souvenirs" ne sont plus très "précis" face aux questions de la présidente.
Tous les patients, en fin de vie, pour lesquels il est accusé "d'empoisonnement", sont "arrivés dans des tableaux dramatiques" au sein de son service, l'Unité d'hospitalisation de courte durée (UHCD) du centre hospitalier de la Côte basque. Ils étaient dans le coma. "Ces patients ont eu des symptômes qui se sont aggravés au fil des heures", explique Nicolas Bonnemaison.
"Est-ce qu'un patient dans le coma souffre ?", lui demande la présidente. Il y a "des incertitudes. Dans l'état actuel de la science, il est impossible d'avoir des certitudes". Les souffrances peuvent être physiques comme psychiques, indique l'accusé. Qu'est-ce que la souffrance morale d'un patient dans le coma ? "Le patient aurait un peu conscience qu'il est dans un corps mort". Mais "on est incapable de l'évaluer. On ne peut pas le prouver". "Il n'y pas d'outil scientifique". "Donc on part du principe qu'il faut imaginer le pire, on applique le principe de précaution".
S'il a injecté de l'Hypnovel (puissant sédatif) à ces patients en phase terminale, c'était dans le but "d'obtenir une sédation" et "en aucun cas mettre fin aux jours de ces personnes". "En aucun cas, l'objectif à atteindre est le décès du patient", répète Nicolas Bonnemaison. "C'est sûr, une sédation peut abréger la fin de vie" mais "ce n'est pas l'objectif". Avec une injection d'hypnovel, le patient peut vivre encore quelques minutes, quelques heures, explique-t-il.
Pourquoi a-t-il pratiqué lui-même ces injections ? "On arrive à un point important. Sur ces extrêmes fins de vie, j'ai pensé que l'équipe paramédicale, c'est-à-dire une infirmière et une aide-soignante, pouvaient le vivre difficilement (...) Quand je prends la décision de mettre en place une sédation, j'estime qu'il faut que le médecin assume. J'ai vu trop souvent des décisions prises par les médecins transmises aux infirmières et, finalement, ce sont elles qui se retrouvent à faire les injections". C'est pour cela, justifie-t-il, que ce n'est pas écrit dans le dossier médical. Pour protéger le service.
Et pourquoi ne pas en avoir discuter avec les familles ? "Il y a dans les familles des points de vue différents, ça me semble lourd de les solliciter pour participer à ce choix". "Les familles pourront toujours se culpabiliser". Mais elles "étaient prévenues que le décès était à court terme".
D'autant, fait-il valoir, qu'"à une exception près", "tous ces patients avaient été pris en amont en charge par les urgences". Dans ce service, "de manière collégiale, il avait été décidé l'arrêt de thérapeutique active". 
Mais pourquoi ne pas avoir attendu le "décès naturel" ?, insiste l'avocat général.  "On ne peut pas attendre les bras ballants que ça arrive. On a la possibilité de soulager ces patients", répond Nicolas Bonnemaison. "On ne peut pas les laisser mourir seuls. Vaut-il mieux les laisser agoniser ?"

http://www.sudouest.fr/2015/10/13/proces-de-nicolas-bonnemaison-est-ce-qu-un-patient-dans-le-coma-souffre-2152985-6062.php

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