mardi 9 mai 2017

Double meurtre de Montigny: « Mais pourquoi vous tuez, M. Heaulme ? Pourquoi ? Pourquoi ?

A la cour d’assises de Moselle,

Il aura donc fallu deux semaines pour que le procès de Francis Heaulme débute enfin véritablement. Après une matinée passée à écouter des témoins embourbés dans leurs souvenirs d’il y a trente ans, le président de la cour d’assises de la Moselle, Gabriel Steffanus, a demandé, ce mardi midi, à Francis Heaulme, de « s’approcher » de la barre.

>>Les faits : Francis Heaulme jugé 30 ans après Montigny
Pas question de lui parler frontalement du double meurtre de Cyril Beining et d’Alexandre Beckrich pour lequel le « Routard du crime » est jugé, à Metz, depuis le 25 avril. Les deux enfants de 8 ans ont été découverts le crâne fracassé à coups de pierre sur une voie SNCF désaffectée de Montigny-lès-Metz, en septembre 1986. Mais avant de savoir si Francis Heaulme est coupable de ce crime, le président veut d’abord savoir « pourquoi » il tue. Comme s’il était possible de comprendre.


« Des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées… »


Il lui pose donc la question le plus simplement du monde. « Pourquoi vous tuez, M. Heaulme ? Pourquoi ? Pourquoi ? Des enfants, des hommes, des femmes, des personnes âgées. Vous ne les connaissiez pas en plus… »

Mains posées sur la barre de la cour d’assises, légèrement voûté, le tueur en série marque un petit temps d’arrêt avant de répondre. « Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire. Je ne sais pas… » Mais le président Steffanus a visiblement préparé son interrogatoire.

Et il sait que les neuf meurtres pour lesquels Francis Heaulme a déjà été condamné présente des similitudes. « C’est presque toujours en fin d’après-midi. La plupart du temps vous êtes tout seul. La plupart des victimes ont des blessures multiples. Et la plupart des endroits sont isolés. »

« Montigny, c’est pas moi ! »


Sans parler de la violence et le nombre des coups assénés aux victimes. « Pourquoi donner 83 coups de tournevis » à Joris Viville, 9 ans ? « Pourquoi 53 coups de couteau » à Georgette Manesse, 86 ans ? Pourquoi « vous dépersonnalisez les victimes à ce point » ?

Un peu trop théâtral, le président au visage rougi par cet interrogatoire plante alors son regard dans celui de l’accusé qui lui fait face. Avant de repasser à l’attaque.

- M. Heaulme, dîtes-nous pourquoi ? On a besoin de savoir.

- Montigny, c’est pas moi !

- Je ne vous parle pas de Montigny, là. Alors pourquoi ?

- J’en sais rien.

- Pourquoi ?

- Je ne réponds plus à aucune question. Je ne vous écoute même plus. C’est pour m’enfoncer un peu plus [que vous faîtes ça]…

Francis Heaulme se redresse alors légèrement et croise les bras comme pour signifier qu’il n’en dira pas plus.

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« Il a toujours reconnu les faits. Sauf pour Montigny »


Gabriel Steffanus l’a bien compris. Mais il est persuadé que sa stratégie est la bonne. Refaire « l’historique » de Francis Heaulme pour faire comprendre aux jurés que l’affaire de Montigny présente des points communs avec les crimes pour lesquels il a été condamné. Il rappelle donc Jean Rémy, cet homme de 62 ans, qui n’a pu être identifié que « quatre mois après avoir été tué » tant il avait été roué de coups. Et aussi la « lente agonie » de Laurence Guillaume, 14 ans. « Dans toutes ces affaires, il n’y a pas de mobile… »
Montrant qu’il écoute toujours, Francis Heaulme réagit alors à sa manière : « Montigny, c’est pas moi ! » Ce qui donne l’occasion à Stéphane Giuranna, l’un de ses avocats, de reprendre facilement l’avantage. « M. le président. Vous parlez de points communs. Rappelez-vous que Francis Heaulme a toujours, à un moment donné, reconnu les faits pour lesquels il a été inquiété. Après, il s’est contredit mais il a toujours reconnu les faits. Tous sauf un : le double meurtre de Montigny. Cela, il l’a toujours nié… » Le verdict est attendu le 18 mai.


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